Dreams - Scratching the Seventies

Dreams - Scratching the Seventies

Recorded in 1969, 1971, 1974, 1975 & 1977

Dreams - Scratching the Seventies is the reedition of 5 Lacy's LPs: Roba, recorded in Milano just before leaving Italy, plus 4 albums recorded in Paris in the '70s: Lapis, Scraps, Dreams & The Owl.

See each of these albums for musicians & further references.

CD #1: LAPIS
Ind. Title Composer Dur.
Three Pieces From The TAO Suite:
1.1/ Existence Steve Lacy 3:56
1.2/ The Way 3:17
1.3/ Life On Its Way 4:23
 
2/ The Highway 5:27
3/ The Cryptosphere * 3:09
4/ Lapis 7:29
The Precipitation Suite:
5.1/ I Feel A Draft 1:21
5.2/ Cloudy 2:26
5.3/ Rain 3:37
 
6/ Paris Rip-Off 3:09
CD #1: SCRAPS
Ind. Title Composer / Author Dur.
7/ Ladies Steve Lacy 9:05
8/ Obituary Steve Lacy / Anonymous 1:02
9/ Scraps Steve Lacy 7:13
10/ Name 4:45
11/ Torments 5:31
12/ Pearl Street 3:48
13/ The Wire 5:13
CD #2: DREAMS
Ind. Title Composer / Author Dur.
1/ The Uh Uh Uh Steve Lacy 5:18
2/ Dreams Steve Lacy / Brion Gysin 3:06
3/ The Oil Steve Lacy 7:05
4/ The Wane 9:57
5/ Crops 11:01
CD #2: ROBA (Part 1)
Ind. Title Composer Dur.
1/ Roba (Part 1) * collective 19:27
CD #3: THE OWL
Ind. Title Composer / Author Dur.
1/ Somebody Special Steve Lacy / Brion Gysin 6:51
2/ Blinks Steve Lacy 7:25
3/ The Owl Steve Lacy / Guillaume Apollinaire 5:28
Touchstones:
4/ Wish Steve Lacy / Francis Picabia 5:53
5/ Spell Steve Lacy / Salvador Dali 3:39
6/ Lesson Steve Lacy / Dr Georges Ohsawa 8:08
 
7/ Notre Vie Steve Lacy / Paul Eluard 4:27
CD #3: ROBA (Part 2)
Ind. Title Composer Dur.
1/ Roba (Part 2) * Collective 22:03

Reedition: Etienne Brunet & Vincent Lainé.
Mastered at Digipro on August, 1996. Engineer: Jean-Pierre Chalbos.

Producer: Pierre Barouh.

Cover photography: Hart Leroy Bibbs. Cover art: Phong Luong Dien.

Track #1-13 (The Wire):

Revue & Corrigée

Sans aucune nostalgie, encore plus indispensables aujourd'hui qu'hier, ces faces permettent de faire le point voire le tri dans une oeuvre qui ces derniers temps et après toutes ces années de vache maigre, à l'instar de celles de John Zorn et d'Archie Shepp, a souvent été en dépit du bon sens éditée / démultipliée, noyant l'auditeur sous un flot de disques certes excellents mais parfois identiques jusque dans les formations convoquées et les compositions interprétées.

Une chose est sûre avec ce coffret de 3 CD rééditant les 5 LP parus chez Saravah - ce n'est que d'essentiel dont il s'agit. Ceux qui ne connaîtraient pas ces disques doivent se plonger dans l'univers de Lacy : Free Jazz Workshop avec Roba dont les préoccupations esthétiques renvoient aux recherches de The Forest And The Zoo et The Moon ; rerecording en clin d'oeil au Brion Gysin d'Electronic Poetry et au Braxton de l'épée de Bois sur Lapis, l'oeuvre en solo la plus expérimentale de Lacy qui sera au fil du temps prolongée via Axieme et Only Monk ; thèmes en hommage à Dali, Eluard, Apollinaire, Picabia, Lenny Bruce et bien évidemment Brion Gysin des permutations de Dreams à Somebody Special (dont les arrangements dignes de Kurt Weill en font une des plus belles chansons de jazz moderne) le filon continue d'être exploré avec Troubles et Songs ; "Free pas free", hommages à Hendrix et Harry Partch simultanément écrits et improvisés avec les amis de toujours, Irene Aebi, Steve Potts, Kent Carter, Jean-Jacques Avenel... des histoires qui continuent de s'écrire et se nomment The Way, Prospectus, Clangs, We See... et aussi l'occasion d'écouter Kenneth Tyler, Boulou Ferré, Michael Smith, Derek Bailey, Takashi Kako, Laurence Butch Morris ou Jack Treese, l'homme des méconnus "Maitro the Truffle" et "Love can make it work". Une irréductible armée de rêveurs.

Philippe Robert (Revue & Corrigée n 31, mars 1997)

Improjazz

Chimie "taylorique", précipité "evansien", cristallisation "monkienne"... mais que s'est-il "vraiment" passé après les School Days (1963, hat ART) des "sixties" dans l'univers de l'alchimiste Lacy ?

Le superbe travail de réédition mené par Etienne Brunet et Vincent Lainé pour Saravah nous apporte quelques éclaircissements sur ces "scratching seventies" européennes, "démangeantes" et dérangeantes. Roba (1969), Lapis (1971), Scraps (1974), Dreams (1975), The Owl (1977)... Voici cinq très importants jalons de l'évolution lacyenne, cinq disques produits par Pierre Barouh, cinq "pierres de touche" qui constituent l'intégrale Lacy chez Saravah (sans oublier, en 1975, une apparition aux côtés de David Mc Neil, SHL 28 CD). Ce formidable coffret est accompagné d'un superbe livret, composé d'une récente interview du sopraniste, d'excellentes photos (Ah... Roberto Masotti !) et de notes complètes - enfin - et détaillés.

Ces enregistrements, signaux jetés dans la tourmente fertile de cette décennie 70, éclairent la quête esthétique lacyenne d'un jour nouveau. On savait que l'américain s'était "fait" européen, qu'il avait rencontré Irene Aebi, écrit et exploité ses premières compositions, délaissé Monk... mais où était "the Way", entre The Forest And The Zoo (1966) et les Songs (1981, hat ART) ? Campagnes de chasse avec le Globe Unity Orchestra (1975, FMP) ou le C.C.O. de SILVA (1971), explorations avec COMPANY de Bailey (1977), nage en torrent avec AREA (1976), recherches d'itinéraires avec Altena (1978, hat ART) nourrissaient les premières escalades en solitaire: réécoutez dans le premier concert solo enregistré (Weal & Woe) les 7 et 8 Août 1972, ces Stations (à 5' 25") où Steve cite et met à l'épreuve sa composition The Owl, datée du 27 Juillet de la même année... Laboratoire, réflexion, action, révolution, évolution, c'est tout un monde qui s'élabore !

Carnet de bord d'un explorateur, le coffret Saravah appelle une écoute attentive et une curiosité de chaque instant pour, tantôt déceler "l'image dans le tapis" (The Cryptosphere, in LAPIS, repris d'ailleurs, en clin d'oeil, par Evan Parker dans son Process & Reality de 1991, tantôt savourer l'évidence des poignants Dreams... Recueil de compositions encore bien vivantes (le cycle TAO, Torments, Blinks, The Wane), cet opus est aussi marqué par l'éphémère: l'élaboration, dans l'instant, d'une matière aussi mouvante que le tissu de ROBA en témoigne.

On reste pantois, éberlué et ravi devant cette oeuvre "polyfree", aux mille facettes poétiques ; tous nos héros y passent : Bailey, Potts, Rava, Carter, Aebi, mais aussi Apollinaire et Gysin, tous nos rêves en sont hantés...

Longue vie à l'éternel jeune homme Lacy, longue, sereine et belle !

 Guillaume Tarche (ImproJazz - 3/97)

Jazzman

Cinq albums originaux parus en 1969 (Roba, en quintette) et dans les années 70 (Lapis, premier disque en solo, Scraps, où prend forme le sextette de Steve Lacy élargi dans Dreams et The Owl). Aujourd'hui rassemblés dans ce coffret de trois disques, ils furent à l'époque enregistrés pour Saravah - Pierre Barouh, Higelin, Brigitte Fontaine, Areski, du jazz, des chansons, des éclats de rire, de la tendresse, de l'utopie...

Dans l'entretien entre Etienne Brunet et Steve Lacy qui constitue la majeure partie du livret accompagnant cette très belle réédition, le saxophoniste et compositeur commente ses rencontres, l'ambiance parisienne de l'époque, I'American Center, ses expériences, son souci de réflexion - la mort, l'amitié, la place de l'artiste - le rapport aux textes, les passages de l'improvisation à l'écriture... Lacy se raconte et raconte une époque, sans nostalgie. Sa musique est toujours d'une grande clarté, selon une expression singulièrement moderne parce qu'affranchie de l'usure du temps et du passage des modes, non datée - même lorsque se font entendre quelques " tics " stylistiques liées à cette période.

La répartition des plages en fonction de leurs durées n'a pas permis une présentation strictement chronologique. Roba vient ainsi s'intercaler entre Dreams (avec notamment Derek Bailey, assurément une des grandes oeuvres de l'époque qui justifierait à elle seule l'acquisition de ce coffret) et The Owl. Mais par-delà la cohérence de l'ensemble qui résiste à cette entorse, chaque disque mérite l'attention particulière. Seul regret, les pochettes originales, superbes, qui n'ont pu être reproduites. Ceci ne suffira pas à nous détourner de cette oeuvre multiforme et éclatée d'autant plus nécessaire qu'elle a été - et reste aujourd'hui - une source d'inspiration et de référence majeure pour le Jazz européen.

 Sylvain Siclier (Jazzman 23 - 3/97)

Les Inrockuptibles

Entre I97I et I977, Lacy enregistre cinq disques, devenus introuvables, pour Saravah, la compagnie de Pierre Barouh - LAPIS, Roba, SCRAPS, Dreams, The Owl -, qui sont précisément la matière en fusion de ce coffret. On trouve dans cet ensemble à la fois léger et monumental toutes les facettes de l'art de Lacy, du solo intégral (LAPIS) à la poésie mise en musique, du free hermétique (ROBA) aux recherches mélodiques et harmoniques les plus sophistiquées. C'est un scintillement d'idées et de matières qui trouvent leur sommet dans le morceau DREAMS, merveilleuse miniature de 3 min 06 sur un texte de Brion Gysin - sans doute l'écrivain de prédilection de Lacy - chanté par Irene Aebi, dont le Sprechgesang, plus proche de Kurt Weill ou du Pierrot lunaire de Schönberg que de Bessie Smith, a suscité moult malentendus. " Dreams est le morceau que je préfère parmi tout ce que j'ai fait. Il marque la naissance de ce que j'appelle le polyfree, c'est-à-dire en quelque sorte du free pas free. C'est un mélange entre l'écriture et l'improvisation, avec des choses cachées comme cette partie de piano à peine perceptible que j'ai jouée moi-même juste derrière..."

En écoutant ou réécoutant ces musiques vingt ou vingt-cinq ans plus tard, on est bien sûr frappés par leur incommensurable liberté et leur foisonnement sans équivalent mais plus encore par leur raffinement perpétuel et leur insondable poésie. Le soprano de Lacy, pinceau tout à la fois strident et caressant, invente des mondes autonomes où se croisent l'arte povera, I'Ecole de Vienne, Guillaume Apollinaire, Salvador Dali ou bien sûr Brion Gysin, alter ego de William Burroughs.

L'électronique y tient un rôle non négligeable - on entend par exemple dans Highway Lacy jouer en solo avec en contrepoint le bruit du trafic routier -, les cordes (Irene Aebi et Kent Carter) tissent un tapis qui s'accorde admirablement avec l'aigu maîtrisé du soprano ou la puissance des sax de Steve Potts et on croise même dans Dreams, décidément le plus beau disque du coffret, le grand Derek Bailey, génial guitariste anglais trop peu connu en France. Quant aux chansons, elles ont le charme entêtant de ritournelles qui tournent sur elles-mêmes, comme l'admirable Somebody Special de Brion Gysin, et s'incrustent en nous comme des motifs intimes. Au total, il y a chez Lacy quelque chose d'oriental dans cette recherche dépouillée de l'acoustique et du son qui est aussi le comble du swing et de la danse et qui fait de Scratching the Seventies un sommet musical.

Thierry Jousse (Les Inrockuptibles n. 91 - du 12 au 18 février 1997)

Liner Notes

"Tchin tchin aux scratchies seventies. To scratch, ca veut dire gratter, griffer : gratter les années qui démangent.

L'état d'esprit des musiciens à cette époque était-il tourné vers l'improvisation totale ?
 Oui, tout à fait. Bien sûr j'arrivais avec mes bagages. J'arrivais avec mes compositions. Je voulais les jouer avec les musiciens d'ici. J'avais un book et je cherchais des musiciens capables de réaliser et de déchiffrer ma musique. Mais je ne pouvais pas leur demander ça tout de suite. Il faut stimuler les autres avant de leur demander un service. You've got to turn them on before they turn you on. Il faut trouver un terrain commun, un lingua franca. Cette chose commune c'était jouer free. Tout le monde pouvait improviser! J'avais aussi des pièces simples avec des petites abstractions graphiques, des pièces post-free avec quelques directions ébauchées. On pouvait aussi jouer des compositions de Monk. Il n'y avait pas de problèmes pour jouer !"

Entretien réalisé par Etienne Brunet à Paris le 5 août 1996 (extraits des notes de pochette)
Voir suite au niveau de chaque album (LP).