Lors de cette interview, Steve Lacy a présenté quelques-uns de ses disques préférés. Les voici, classés par ordre chronologique (les années indiquées correspondent à l'enregistrement) :
Jazz AdvanceEnregistré en 1955 "C'était le premier disque de Cecil Taylor. À cette époque il était considéré comme un terroriste musical, par beaucoup d'autres musiciens, par les patrons de boîtes, par plusieurs critiques ; vraiment, on était hostile à son originalité." |
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"J'ai été six ans avec lui, de 1953 à 1959 ; en 1959 on est arrivé à New York pour la première fois." "On était tous les deux fanatiques de la musique de Duke Ellington (Gil Evans aussi) ; la musique d'Ellington est plus moderne que moderne, c'est toujours contemporain." "J'avais la bonne fortune d'être avec Cecil Taylor qui savait beaucoup plus que moi et qui pouvait jouer comme un fou déjà et moi j'étais jeune. Et aussi avec Gil Evans et plus tard avec Monk, les gens m'ont aidé à développer mes propres choses." |
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Gil Evans & TenEnregistré en 1957 "Pour moi le commencement sérieux, mon début vraiment c'était avec Gil Evans sur ce disque ; c'était aussi le premier disque de Gil Evans sous son propre nom." |
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"Il a écrit cette chose pour me mettre en avant, feature solo sur Just One of Those Things. |
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ReflectionsEnregistré en 1958 "La chose qui m 'a vraiment illuminé tout c'était la musique de Thelonious [Monk] qui était parfaite pour le saxophone soprano ; c'était comme la main droite du piano." |
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"C'est je crois le premier disque que quelqu'un a fait sur sa musique à part lui-même. Et c'était même une manière de l'approcher, parce qu'il a entendu le disque et il m'a donné son approval et quelques années après j'ai commencé à jouer avec lui."
J.-M. Proust souligne que cette version d'Ask me Know a donné envie à Thelonious Monk de reprendre et remettre ce morceau à son répertoire. |
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Evidence with Don CherryEnregistré en 1961 "On était des bons amis [avec Cecil Taylor], on a pratiqué ensemble et on a fait des recherches ensemble ; on jouait une note ensemble pour une longue période de temps, juste pour la recherche : très intéressant. J'ai appris beaucoup avec lui, il était comme un frère avec moi." |
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"Le concert [du quartette] a été annulé. On a fait le voyage je crois que c'était Cleveland ou Cincinnati c'était marqué 'free jazz' et les gens ne voulaient pas payer ! Il y avait une longue file de gens qui voulaient aller là pour rien. Alors le concert a été annulé et on est retourné à New York, très déçus. C'était la fin du free jazz en Amérique ce soir là !"
"C'était la fin de la 'période étudiante' : c'était plutôt mes propres choses qui commençaient à sortir. The Mystery Song était mon tout premier arrangement." |
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The Forest and the ZooEnregistré en 1966 "Le concert [du quartette] a été annulé. On a fait le voyage je crois que c'était Cleveland ou Cincinnati c'était marqué 'free jazz' et les gens ne voulaient pas payer ! Il y avait une longue file de gens qui voulaient aller là pour rien. Alors le concert a été annulé et on est retourné à New York, très déçus. C'était la fin du free jazz en Amérique ce soir là !" |
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"C'était la période complètement free, on était à Buenos Aires à cette époque-là, avec ce quartettte assez révolutionnaire." "Quand je suis venu en Europe la première fois en 1965, j'ai rencontré pas mal de monde ; Enrico [Rava], à cette époque, jouait avec Gato Barbieri. On a commencé à jouer ensemble et on est parti à Buenos Aires one way ticket. On est resté bloqué là-bas pendant presque un an, on en pouvait pas sortir. On jouait pour des gens dans des villas : on jouait pour des riches, pas pour des pauvres on était trop pauvre pour jouer pour les pauvres !" "Il y avait un coup d'état, il y avait des tanks dans la rue et même la musique des Beatles était prohibée, les femmes ne pouvait pas porter de pantalons ni fumer en public, c'était assez répressif. Et il y avait un gorilla qui était le président, le général Ongania : c'était pas le moment pour le free, pour un groupe révolutionnaire." "On a étudié le tango, beaucoup ; ça a imprégné ma musique après, beaucoup, mais c'est un peu caché." |
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TroublesEnregistré en 1979 "Ce quintette a duré 23 ans [Steve Lacy, Irene Aebi, Steve Potts, Kent Carter, Oliver Johnson]." |
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"Troubles c'est le blues ; le sujet du blues c'est troubles. Il y a toutes sortes de blues dans cet album, personne n'a remarqué ça. Ce morceau vient d'une phrase de la mère d'Irène [Aebi] : "Never trouble trouble 'til trouble troubles you. You only trouble trouble and trouble others too." que j'ai mise en musique et on a tous chanté ça ensemble. " "À l'époque c'était dédicacé à Bob Dylan, qui avait beaucoup de troubles à l'époque, avec des divorces et des choses comme ça
troubles !" |
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Paris BluesEnregistré en 1987 "Ce disque, c'était mon idée j'ai fait des centaines de disques, presque tous étaient mon idée. C'est très rare qu'un producteur vienne avec une bonne idée. Parfois il vient avec une invitation ouverte et je peux faire comme je veux, mais parfois il vient avec des mauvaises idées. Pour moi, le producteur Jean-Jacques Pussiau a répondu tout de suite "oui" quand j'ai proposé [ce disque] c'est tout ce que je demandai !" |
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"C'est le dernier disque, malheureusement, de Gil Evans ; il est mort l'année d'après."
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Hot HouseEnregistré en 1990 "Je joue avec Mal Waldron depuis 1955. Il y a un bon match là, on est sur la même onde." |
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"Petite Fleur, c'est ce que j'ai entendu le plus à Paris quand je suis arrivé en 1965, c'est un tube perennial, et pour moi c'était un défi aussi, un challenge à jouer ça de ma propre manière et je voulais aussi l'enregistrer. Et ce disque, Hot House, est un disque de compositions classiques de musiciens de jazz : il y a Bud Powell, Tadd Dameron, Duke Ellington
et aussi Sidney Béchet."
"Je voulais aller de l'autre côté de ce morceau, je voulais le moderniser." |
Il a également présenté ses deux derniers disques :
The Holy LaEnregistré en 1998 "Dans les années 50, j'ai fait beaucoup de recherches et de pratiques et d'expériences et même les années 60 et finalement quand je suis venu à Paris dans les année 70 avec Irène on a commencé à 'battre notre propre chose' sérieusement." |
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"Le jazz c'est une musique de collaboration, et dès qu'on trouve les bons partenaires, les bons collaborateurs il faut toujours faire des choses nouvelles avec eux car on a confiance, on a plus de liberté avec des gens qu'on connait bien. Quelqu'un comme Mal Waldron ou Gil Evans était un accompagnateur superbe, sublime, j'étais vraiment fortunate d'avoir des bons collaborateurs comme ça."
"Blue Jay c'est un hommage à Jean-François Jenny-Clark, mort juste avant d'enregistrer ça, il y a 3 ans [le 6 octobre 1998]. Il était mon premier compagnon-collaborateur musical en France à Paris quand je suis arrivé en 1965 et que je jouais au Chat qui Pêche. J'habitais chez lui, il était très gentil avec moi, on a exploré beaucoup de musique ensemble, on a beaucoup joué ensemble, il était un grand ami et un grand musicien." |
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10 of Dukes + 6 OriginalsEnregistré en 2000 "Je ne peux pas faire de [saxophone solo] tous les jours, mais je fais ça assez souvent, mais ça reste une chose exceptionnelle. Comme je joue avec de très grands musiciens, de temps en temps je peux me permettre de jouer tout seul. C'est important pour moi, c'est une sorte de outlet pour un certain type de jeu, pour certains morceaux, et les gens aiment ça de temps en temps c'est une de mes spécialités." NB: des extraits sont disponibles sur la page de l'album |
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Et annnoncé le prochain :
The Beat SuiteEnregistré en 2001 "Il y a 10 morceaux, des jazz artsongs de poètes de la beat generation: Burroughs, Creeley, Kaufman, Ginsberg, Kerouac, Welch et on va entendre Anne Waldmann et Andrew Schelling qui ont écrit les paroles de ce morceau In The Pocket." |
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"Ces choses sont des long-term preparation, on les joue pour des années et des années ; on connaissait tous ces poètes. C'est à la même époque que j'ai grandi moi-même, dans les années 50, c'était très important et il y avait beaucoup de correspondances. Par exemple, quand je jouais au Five Spot avec Cecil Taylor, et que presque tout le monde était contre notre musique, il y avait Jack Kerouac qui était là et qui aimait beaucoup, il appréciait beaucoup Cecil taylor à l'époque, il pensait que c'était un bon pianiste be-bop. Il avait le goût."
"Ginsberg nous a invité à l'université pour jouer pour les poètes on a un grand rapport avec les poètes et j'ai des centaines de textes qu'on a utilisé pour Irène et d'autres chanteurs. Ce disque, well, j'ai envie qu'il sorte." |
Interview de Steve Lacy par Jean-Michel Proust pour la radio TSF (FM 89,9) - transcription (partielle) par Vincent Lainé
Note : cette interview a été publiée ensuite dans Jazz Magazine (n° 529, septembre 2002), avec des photos de Gérard Rouy et de Jean-Jacques Damour.