One Fell Swoop

Derek Bailey / Steve Lacy:

Outcome

Recorded in 1983

Derek Bailey electric guitar Steve Lacy soprano saxophone

Ind. Title Composers Dur.
1/ Input #1 Derek Bailey, Steve Lacy 16:49
2/ Input #2 13:36
3/ Input #3 8:04
4/ Input #4 15:58
5/ Input #5 5:28

Recorded on June 25, 1983 at 28 rue Dunois, Paris (France). Engineer: Jean-Marc Foussat.

Producers: Jacques Oger & Jean-Marc Foussat for Potlatch.

Cover photo: Jean-Marc Foussat.

Note: this record should be available in the USA from the second week of March, 2000.

Liner Notes

Sans préparation ni prévision, sans preuves ni provisions, sac vide au dos, cheminer librement, improviser.

Foncièrement gratuite, joyeusement désintéressée (improductive, diront certains), la pratique de l’écoute partagée et de l’improvisation recèle d’étranges forces de résistance et de subversion. Elle requiert aussi de ceux qui s’y vouent une porosité active et réactive doublée d’une capacité à ne pas s’oublier. L’articulation de cette présence à soi et de la nécessaire présence à l’autre induit disponibilité et disposition à " l’insécurité ; le poète n’a que des satisfactions adoptives. Cendre toujours inachevée ". On pourrait craindre que, dans le crucial contexte du duo, les univers autarciques de Lacy et Bailey, trompeusement étanches, n’arrivent à s’aboucher ; il n’en est rien.

Dans ces années 80 où l’effectif du sextet lacyen se constitue et se stabilise, où l’interprétation d’art songs (avec Gysin ou Creeley) prend quelque peu le pas sur la stricte improvisation, le sopraniste n’en oublie pas pour autant la très fructueuse british connection des premières années 70 ; de Company en Dreams, des invitations réciproques… et rares. Mues par une irrépressible envie cinétique, les asymptotes de Derek Bailey et de Steve Lacy dessinent des trajectoires finalement (à l’infini) compatibles et paradoxalement sécantes. En épissures inouïes s’entremêlent les échafaudages de bambou du guitariste, lignes hérissées ou estompées, salves sobres ou crénelées, raclements batailleurs, textures fouaillées, avec les roulades, flèches et figures transposées du saxophoniste, architecture souple dont les confins résonnent de growls secs. " Le poème est ascension furieuse ; la poésie, le jeu des berges arides. " A bout d’idiome, hors d’eux-mêmes, il leur faut prendre cette langue commune qui s’invente en se faisant : " Parole, orage, glace et sang finiront par former un givre commun ".

Sans forme a priori, ce langage neuf se conçoit dans les opérations qui le réalisent : outre-manche, Bailey inventorie et exténue le vocabulaire (depuis 1960), tandis que Lacy (auquel on doit l’éclaircissement de la voix du saxophone soprano dans les années 50) tâche d’épuiser, outre-anche, la syntaxe. Le rôle de l’auditeur et de sa mémoire, réflexive et non linéaire, s’avère naturellement vital ici ; c’est lui qui complète l’oeuvre en la rendant présente en toutes ses parties.

Ils n’écriront " pas de poème d’acquiescement ", et la musique de ce recueil, furieusement mystérieuse et inespérée, sans début ni fin, reste un défi à l’industrie moderne du sommeil, la marque d’un " amour réalisé du désir demeuré désir ".

Guillaume Tarche

Les citations sont extraites d’œuvres de René Char.

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