B/Free/Bifteck - reviews

Jazzman

Soyez libre, on s'occupe du reste, cuisine et dépendances. Voilà ce qu'Etienne Brunet pourrait dire aux musiciens de ce projet. D'octobre 1996 à juillet 1997, le saxophoniste et compositeur croisé un peu au hasard tenait au courant de l'avancée des travaux: « On a enregistré tout le monde », « Ouh la la le mixage c'est coton », « Bon, ben, je ne sais pas…», « Ça y est, c'est fini, très content »… L'esprit général y est. Petit à petit le principe a pris corps. Enregistrer d'abord des duos-couples d'improvisateurs. Sans limite, sans consigne. Brunet fit venir vers lui Daunik Lazro, Thierry Madiot, Hubert Dupont, Camel Zekri, Daniel Mille et Erick Borelva. Puisant, triant dans la masse d'informations, il a composé à partir de fragments une première pièce; le nom d'Ornette Coleman est inscrit. Suit, avec le seul Fred van Hove à l'orgue, un moment intense, dévastateur. Puis la mécanique s'emballe. Bandes qui défilent, mouvements arrêtés, Brunet travaille là à partir de samples des instruments. Il y a une boîte à rythme. C'est peut-être de la techno free, peut-être pas. Seven Jungle Ladies nous entraîne vers des ailleurs qu'annonçaient, en partie, les deux pièces précédentes. Impressionnant. Le processus de l'improvisation n'est pas altéré par celui de la composition. Comme Teo Macero qui, à partir des longues impros de Miles Davis, combinait des possibles. Brunet invente une musique très cohérente qui fait oublier ses arrière-plans techniques. La théorie s'efface, la musique est là, finalement dans l'instant. C'est à découvrir.

Sylvain Siclier (Jazzman 37, 06/1998)

Jazz Magazine

"Virtuellement une tentative de reconstruction en studio de l'énergie des années soixante-dix" : première phrase d'un texte lumineux d'Etienne Brunet pour présenter-commenter ce flot sonore (entre Variations IV de Cage, Free Jazz de Coleman sans doute, sampling féroce et divers autres magmas-mixtures aujourd'hui historiques dans le jazz mais pas seulement) dont les rythmes, variations de densité et couleur, méandres renvoient d'emblée à ce que l'on peut observer juste après une éruption volcanique. Car les matériaux sollicités et travaillés après coup (au départ : une collection de duos live du saxophoniste-catalyseur-agitateur avec ses sept invités) sont en tous sens devenus objets d'un mixage dissolvant, reforgés, redistribués, superposés, pour aboutir à une masse en fusion et mouvement - manière de lave polyphonique aux alluvions plus ou moins identifiables tandis que "surfe" sur l'incandescence le chant de Brunet toujours au seuil du cri. Âmes insensibles s'abstenir.

Philippe Carles (Jazz Magazine 481, 05/1998)