Company 5 - reviews

Improjazz

"Company Week est un événement annuel organisé à Londres depuis 1977. (En fait, il dure rarement une semaine, cinq jours, généralement. Il n’a eu lieu ni en 1985 ni en 1986 et il s’est aussi déroulé dans d’autres villes, New York surtout.) L’événement est organisé par Company lui-même. Plusieurs soirées successives avec, chaque soir, cinq ou six concerts et un total de neuf à dix musiciens sont le genre d’idée qui fait fuir les promoteurs – race notoirement frileuse. Ainsi, c’est un petit noyau constitué par moi, des amis et quelques volontaires qui se charge de la mise en place de ces événements."

Derek Bailey, in L’Improvisation, sa nature et sa pratique dans la musique (Outre Mesure, coll. Contrepoints)

La réédition de cette pièce enregistrée il y a vingt-cinq ans présente un intérêt documentaire évident et une valeur poétique intacte : cette dernière se dégage du contrepoint vivace et crépitant que l’audition – l’oreille illustrant la pochette n’est-elle pas explicite ? – révèle (et qui n’a pas grand chose à voir avec le pointillisme sévère que certains croient déceler dans l’école anglaise).

Les cordes de Derek Bailey (elg, acg), le maître d’œuvre, s’adjoignent celles de Maarten van Regteren Altena (b) et de Tristan Honsinger (cello) tandis que les vents reviennent à Leo Smith (tp, fl), Anthony Braxton (cl, fl, as, ss), Steve Lacy (ss) et Evan Parker (ss, ts). On ne retrouve donc pas ici Han Bennink (dr), Steve Beresford (p) et Lol Coxhill (ss) qui étaient présents durant cette campagne de fin mai 1977, comme en témoigne le Company 6 & 7 (Incus CD 07).

La première improvisation regroupe les sept musiciens dans une suite de vingt-cinq minutes surlignée par les larges oblitérations de Smith : le poinçon d’altitude de Braxton s’y active tandis que Parker déchiquette menu les timbres ; Lacy se faufile dans les interstices de la trame sciée du violoncelle, des coutures de la contrebasse et de la chaîne houleuse de Bailey.

Les morceaux suivants collectent des improvisations du duo de Lacy avec Braxton (pinceau dansant du premier, staccatos des rafales de fléchettes du second : la route agile des truites de la sérénité) et du trio compact et volontiers virulent de Parker / Braxton / Honsinger : une dramaturgie de l’éclaboussure et de l’engagement.

Un disque historique ? À n’en pas douter ! Un superbe indispensable de votre discothèque ? Naturellement.

Guillaume TARCHE (Improjazz n° 78, septembre 2001)