A Genuine Tong Funeral

The Gary Burton Quartet with Orchestra:

A Genuine Tong Funeral

Any similarity to chinese music or folklore, other than the Funeral's underlying Oriental dramatic quality, was not intended.

(Carla Bley - liner notes)

Recorded in 1967

Gary Burton vibraphone Larry Coryell guitar Steve Swallow bass Bob Moses drums Steve Lacy soprano saxophone Mike Mantler trumpet Gato Barbieri tenor saxophone Jimmy Knepper trombone Howard Johnson tuba, baritone saxophone Carla Bley arranger, composer, piano, organ

Ind. Title Composer Dur.
1/ The Opening
Interlude: Shovels / The Survivors / Grave Train
Carla Bley 6:37
2/ Death Rolls 1:36
3/ Morning (Part 1) 1:43
4/ Interlude: Lament / Intermission Music 4:28
5/ Silent Spring 7:58
6/ Fanfare / Mother of the Dead Man 2:51 Fanfare
7/ Some Dirge 7:47
8/ Morning (Part 2) 1:17
9/ The New Funeral March 2:40
10/ The New National Anthem / The Survivors 6:34

Recorded in NYC on November 20, 1967.

Producer: Brad McCuen. Supervised by Daniel Baumgarten.

Cover art: Jim Fasso.

Liner Notes

Read the English translation

« "A Genuine Tong Funeral" est une production musicale dramatique qui puise son inspiration dans des émotions inspirées par la mort, depuis les plus irrévérencieuses jusqu'à celles qu'on éprouve à la perte des êtres les plus chers. Elle a été conçue pour être produite sur scène avec lumières et costumes.
Cette œuvre fut écrite dans le courant de l'année 1967, à l'exception de Silent Spring qui fut commandé par Steve Swallow sous la forme d'une pièce pour basse et cordes qui fut écrite entre janvier et mars 1966, de The Survivors et de The New National Anthem, écris quant à eux en 1964. Tous les morceaux dans lesquels figure le Quartet furent écrits à l'intention de Gary Burton après que celui-ci eu exprimé en Juillet 1967 son désir d'enregistrer "A Genuine Tong Funeral".
Hormis le contenu dramatique sous-jacent de "Funeral", toute ressemblance avec la musique ou le folklore chinois serait purement fortuite.»
C'est en ces termes que Carla Bley présente elle-même « A Genuine Tong Funeral » (« Funérailles dans la tradition Tong ») qui fut conçue après la vision, à la télévision américaine, d'un film français « vieux d'au moins vingt ou trente ans » au cours duquel on assiste à une procession funéraire dans les rues de Hong Kong… Ces quelques précisions permettent de mieux situer historiquement une oeuvre dont c'est ici la première édition hors USA et qui, avouons-le, fut loin d'obtenir le succès qu'elle méritait lors de sa parution originale. « A Genuine Tong Funeral » est le premier projet ambitieux de Carla Bley qui ait été confié à la cire. Si jusqu'alors ses exceptionnels dons de compositrice avaient reçu la consécration par l'intermédiaire de musiciens aussi éminents que George Russel, Art Farmer, Ed Blackwell, Lee Konitz ou Steve Lacy — pour ne pas mentionner son premier époux Paul Bley qui n'a jamais cessé de vanter les qualités de son écriture —, son inspiration n'avait cependant jamais dépassé le cadre de thèmes limités dans le temps et dans l'espace (si l'on veut bien oublier ce premier essai à demi heureux que fut le Roast enregistré à Judson Hall en 1964). Il en va autrement avec « A Genuine Tong Funeral » qui, plus qu'une simple collection de thèmes de Carla donne à entendre une véritable suite musicale et dramatique. Ces funérailles-là, au demeurant, permirent à Carla Bley de déployer une nouvelle facette de son immense talent, par le truchement d'arrangements somptueux qui prirent ici forme pour la première fois. En un mot, derrière cet « Opéra sans paroles » se cache la première oeuvre d'envergure d'une des plus attachantes musiciennes de notre époque.
Plus qu'un concerto pour Quartet et divers vents « A Genuine Tong Funeral » est une œuvre de contrastes au cours de laquelle alternent les passages écrits pour les cuivres et les plages illustrées par le Gary Burton Quartet. On sera moins surpris par l'originalité de cette forme lorsqu'on saura les préoccupations qui ont présidé à sa genèse. Dans sa conception première, l'oeuvre n'était en effet pas destinée spécifiquement au quartet de Gary Burton. Conçue depuis plusieurs années, elle avait été rangée par Carla Bley au fond d'un tiroir en attendant qu'un éditeur assez fou veuille bien prendre le risque de la faire enregistrer. C'est Steve Swallow, ami commun de Carla Bley et de Gary Burton, qui proposa à ce dernier de faire enregistrer l'« Opéra » par le Quartet. On comprend mieux ainsi que les passages précisément destinés au Quartet aient été écrits ou remaniés dans les mois qui précédèrent l'enregistrement. Mother Of The Dead Man reçut même le baptême de la cire trois mois avant la présente version. Il résulte de tout ceci un agréable contraste entre les passages destinés aux lames, aux cordes, aux cymbales et aux peaux d'une part, et à ceux réservés aux instruments à vent, d'autre part, ces deux groupes pouvant à l'occasion flirter ensemble: on admirera par exemple la subtile insertion du piano et du vibraphone à l'intérieur de The Opening, qui dérape bientôt vers Shovels (symbolisant sans doute la chute des pelletées de terre sur le cercueil du mort).
À d'autres endroits, l'intégration entre les formations est nettement plus franche, en particulier au cours de la première version de The Survivors où l'on assiste à de forts beaux dialogues tuba/vibraphone et basse/vibraphone (cette intervention de Steve Swallow est d'ailleurs une des choses les plus délicieuses qu'une contrebasse nous ait livré depuis longtemps).
C'est donc un plaisir double que nous invitent à partager avec eux Carla Bley et Gary Burton. D'un côté l'harmonisation subtile des vents. On appréciera à leur propos, le choix des musiciens qui — en dehors du Quartet, évidemment — fut fait par Carla Bley elle-même. Non seulement Gato Barbieri, Howard Johnson, Jimmy Knepper, Steve Lacy et Michael Mantler comptent au nombre des solistes les plus attachants que nous ayons connus ces vingt dernières années, mais de plus leur sonorités, leur feelings respectifs se marient d'admirable façon. On retrouve ici un peu de cette osmose magique qui unissait jadis Hodges à Stewart, Carney à Cootie, Brown à Bigard, dans les illustres rangs ellingtoniens. The Funeral permet à chacun d'entre eux de s'illustrer à tour de rôle : dans The Opening, dans Fanfare où le soprano de Lacy fait merveille, dans Silent Spring qui montre Gato Barbieri sous son meilleur jour, dans l'exposé au trombone de Some Dirge — non, ce n'est pas Roswell Rudd ! — dans The New Funeral March dévolu à la trompette de Michael Mantler et enfin, dans les deux versions de The Survivors. L'ensemble de ces talents, alors négligés par la scène du jazz, contribue pour une large part à la réussite de cette entreprise originale.
De l'autre côté, les raffinements musicaux d'un Quartet dont l'oeuvre de Carla Bley devait constituer dès ce premier mariage, une source d'inspiration inépuisable. Gary Burton ne manque d'ailleurs jamais de rendre hommage en public à la compositrice, et il est même allé jusqu'à enregistrer récemment un album tout entier dévolu aux oeuvres de cette dernière. Il importe de souligner ici l'éclatante réussite du Quartet à chacune de ses interventions dans « Funeral » et ce en dépit du drumming parfois maladroit de Lonesome Dragon (dont on comprend qu'il ait souhaité cacher son nom sous un pseudonyme). La sonorité globale du Quartet fait merveille dans ce Grave Train caricatural qui rappelle l'Alabama Song du Kurt Weil — on a au demeurant trop tendance à tenir ce dernier pour la seule et unique source d'inspiration de Carla Bley ; Silent Spring par exemple est mélodiquement très proche de l'Après Un Rêve de l'Opus 7 de Gabriel Fauré. Ailleurs ce sont les interventions des solistes qui font merveille : les délicats Interludes/lntermission Music et Mother Of The Dead Man, ce dernier morceau pouvant être considéré comme un des chefs d'oeuvres du vibraphoniste. Some Dirge fournit à Larry Coryell l'occasion d'un de ses solos les plus fous, mais ce sont les soixante-dix-huit secondes que durent la seconde version de Morning qui méritent le plus de retenir votre attention. Au cours de ce simple exposé mélodique Coryell atteint un sommet de la sensibilité pudique, de l'émotion retenue… Dans un texte délirant dont se pare le premier coffret de la Jazz Composers Orchestra Association, l'écrivain Paul Haines n'hésite pas à flanquer le nom du guitariste convié un an plus tard à l'une des séances orgiaques de la JCOA de la parenthèse suivante : « Que Anne aimait pour son solo sur le Funeral de Carla Bley » Je parierai que « Anne » fut séduite par ce solo-là!
Vous l'entendrez, ce ne sont pas les richesses qui manquent à l'intérieur de « Funeral ». Comment expliquer dans ces conditions que cette oeuvre ait attendu dix ans avant de nous parvenir ? Il convient pour comprendre un tel décalage de se replacer dix ans en arrière, à l'époque où cette première oeuvre fut enregistrée et publiée. On surnageait alors tant bien que mal — l'Epilogue de Funeral en témoigne musicalement — au beau milieu de l'effervescence « free ».
Au sein d'un contexte aussi turbulent, des oeuvres partiellement écrites et fortement structurées comme «Funeral» qui allaient à contre-courant de leur époque, avaient toutes les chances de passer pour démodées et rétrogrades. Délivrées de la pesante idéologie du « free-jazz » et du « black power », nous sommes aujourd'hui en mesure d'affirmer que non seulement cette oeuvre ne regardait pas vers l'arrière, mais qu'en dehors de ses magnificences internes elle indiquait une direction musicale qu'allaient bientôt emprunter d'autres réalisations musicales d'importance, successivement le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden — autre disque de Carla Bley déguisé —, Escalator Over the Hill, puis le trop méconnu Tropic Appetites, 3/4 For Piano And Orchestra et le récent Dinner Music. De cette génération, Carla Bley nous annonce le prochain rejeton : une version totalement remaniée de… « A Genuine Tong Funeral », un opéra avec paroles cette fois!

Laurent Goddet (Jazz Hot, notes de la première édition française parue en 33t en 1979)

"A Genuine Tong Funeral is a dramatic musical production based an emotions towards death — from the most irreverent to those of deepest lass. It is meant to be performed on a stage, with lights and costumes.
The Funeral was written throughout the year 1967, except far Silent Spring which was commissioned by Steve Swallow as a string-bass piece and was written between January and March of 1966, and The Survivors and The New National Anthem, which were written in 1964. All of the pieces featuring the Quartet were written specifically far Gary Burton when in July of 1967 he expressed interest in recording the Funeral.
Any similarity to chinese music or folklore, other than in the Funerals underlying Oriental dramatic quality, was not intended".
The above is Carla Bley's own introduction to A Genuine Tong Funeral, a work she conceived after watching an old french film on American TV which featured a funeral procession through the streets of Hong Kong. This is the work's first appearance outside the USA where its original release was unfortunately far from achieving the success it deserved.
A Genuine Tong Funeral is Carla Bley's first full-scale project on record. Although her considerable composing talents had already been done full justice through the intermediary of musicians of the caliber of George Russell, Art Farmer, Ed Blackwell, Lee Konitz and Steve Lacy — not to mention her first husband, Paul Bley, who has never ceased to vaunt the qualities of her writing — all her previous work, with the exception of the rather unhappy first attempt with "roast", recorded at Judson Hall in 1964, had consisted of themes of limited dimensions. A Genuine Tong Funeral is altogether different and far more than a mere collection of individual themes: it is a veritable musical and dramatic suite. The combination of these multiple talents, sadly neglected by the jazz world during the period in which this recording was made, provides a major contribution to the overall success of this highly original album. Moreover, this particular Funeral enabled Carla Bley to reveal yet another aspect of her immense talent, for its arrangements are remarkably sumptuous. In short, this "Opera Without Words" represents the first really substantial work of one of the most engaging musicians of our time.
More than a concerto for quartet and various wind instruments, A Genuine Tong Funeral is a work of contrasts throughout which passages for brass alternate with pieces by the Gary Burton Quartet. This novel construction will be less surprising with just a little insight into the work's origins. At the outset, it was not specifically intended for performance by the Quartet; it had in fact been conceived several years earlier, then tucked away until Carla Bley could find someone bold enough to risk having it recorded. It was Steve Swallow, a mutual friend of Carla Bley and Gary Burton, who suggested to the latter that he should record "Funeral" with the Quartet. Hence we can understand that the passages allotted to the Quartet were written or re-written during the months immediately preceding the recording. Mother Of The Dead Man, it should be noted, received its baptism on record some three months before the present version. The overall result here is one of pleasing contrasts between the passages written for the percussion-and-string Quartet and those scored for the wind instruments, with the occasional effective intertwining of the two: note for example, the subtle interjections by piano and vibes during The Opening, which so, develops into Shovels. At other times the integration of the two groups of instruments is much more evident, especially during the first version of The Survivors where we hear some beautiful dialogue between tuba and vibraphone, as well as between bass and vibraphone; incidentally Steve Swallow's bass playing in this section is some of the choicest in a long time. For their part, the wind instruments contribute tellingly to the work as a whole. Chosen by Carla Bley herself, Gato Barbieri, Howard Johnson, Jimmy Knepper, Steve Lacy and Mike Mantler rank amongst the most interesting musicians of the last twenty years; and their individual sonority and collective feeling for the music reveal an admirable compatibility with the composer's aims. One can perhaps even detect some of that magic osmosis that in earlier years united Hodges and Bigard within the fascinating world of Ellingtonia. The Funeral gives each of the present group an opportunity to shine: on The Opening; on Fanfare, where Steve Lacy's soprano is a marvel; on Silent Spring, which reveals Gato Barbieri at his best; on Some Dirge, with its magnificent trombone statement by Jimmy Knepper; on The New Funeral March, which is devoted to Mike Mantler's trumpet; and finally on the two versions of The Survivors.
For its part, the Gary Burton Quartet adds its own particular musical refinement; and Carla Bley's music was henceforth to provide it with an exhaustible source of inspiration. Burton now never misses a chance to pay public homage to Carla's work and has recently recorded an album devoted entirely to it. The Quartet's contribution to funeral is strikingly successful, and this despite the sometimes clumsy drumming of Lonesome Dragon, who not surprisingly in the circumstances chooses to hide his real identity beneath this pseudonym. The collective sonority of the Quartet is astounding on Grave Train, a caricature that recalls Kurt Weil's Alabama song. Incidentally there is an exaggerated tendency to cite Weil as Carla Bley's sole source of inspiration; but listen carefully to Silent Spring, for example, which is melodically very close to Aprés un rêve from Gabriel Fauré's Opus 7. The Quartet's members also turn in some excellent solo work: good examples are Interlude/Intermission Music and Mother of the Dead Man, the latter surely counting amongst Burton's finest performances. Some Dirge provides Larry Coryell with the opportunity to produce one of his craziest solos; but it is the mere seventy-eight seconds of the second version of Morning that arrests our attention, for here Coryell attains the very peak of unspoiled sensitivity and restrained emotion.
Funeral, as you will hear, is a work bursting with riches. How, then, can one explain that it has taken over ten years to get this album released over here? To find the answer, we need to cast our minds back that same number of years, to the time it was first recorded and published. For better or for worse, we were then submerged- and the Epilogue of the Funeral provides musical testimony to this- by the overwhelming tide of free jazz; in such a context, partially scored and highly structured works like Funeral were struggling against the current and were all too easily pushed to one side as being old hat. Today delivered from the weighty ideology of free jazz and black power, we can boldly affirm that not only was this work not retrograde but that, in addition to its intrinsic magnificence, it sign posted the way for a whole series of other important musical creations : Charlie Haden's Liberation Music Orchestra (another Carla Bley record in disguise), Escalator Over The Hill, the much underrated Tropic Appetites, 3/4, for Piano and Orchestra and the recent Dinner Music. And now Carla Bley has announced the next offshoot: a totally revised version of A Genuine Tong Funeral, an Opera With Words this time!

Laurent Goddet - translation by Don Waterhouse (liner notes for the French LP release, 1979)